Ouverte ou fermée ? Le concept de chaînes cinétiques appliqué à l’entraînement

Chaines cinétiques

Si l’on parle aujourd’hui du concept de chaînes cinétiques dans le sport, c’est grâce à Franz Reuleaux, un ingénieur allemand du 19e siècle qui a passé une bonne partie de sa vie à théoriser les dispositifs mécaniques. Parmi ces derniers, il a remarqué que lorsque des segments étaient reliés en chaîne par des articulations, le mouvement d’une articulation se répercutait sur la suivante.

En 1955, le docteur Arthur Steindler applique les principes de Reuleaux au mouvement humain. Selon lui, le corps peut être représenté comme un système de segments rigides connectés entre eux par des séries d’articulations. Comme dans la théorie de l’ingénieur, ces articulations se transmettent l’énergie du mouvement les unes aux autres, pourvu qu’elles appartiennent à la même chaîne.

Steindler a remarqué que lorsque l’extrémité du dernier segment était face à une résistance fixe (un mur ou le sol, par exemple), les mouvements de l’articulation et du muscle étaient différents de ceux qui se produisaient lorsque ce même segment était libre de bouger. Il a conceptualisé ces deux situations sous les termes de « chaîne cinétique fermée » (la première situation) et de « chaîne cinétique ouverte » (la seconde).

Les exercices en chaîne ouverte ou fermée : quelles différences ?

On utilise aujourd’hui le concept de chaînes cinétiques dans les domaines de la réathlétisation, de la préparation physique et plus récemment du fitness pour classer les différents exercices de musculation.

De façon simplifiée, les exercices en chaîne ouverte incluent tous ceux où la main ou le pied sont libres de bouger, comme par exemple le biceps curl, le leg curl ou le développé couché. Les exercices en chaîne fermée regroupent ceux où la main ou le pied sont fixés dans l’espace (sur le sol ou sur un support) : les squats, les pompes ou les tractions par exemple.

La réalité est plus complexe que ce classement. Si cette complexité vous intéresse, allez lire les questions que Gary L. Smidt pose ici (en anglais) et les réflexions de Mike Reinold ici (en anglais). Il n’empêche que la distinction entre ces deux types d’exercices est intéressante à prendre en compte pour construire un programme d’entraînement.

Même si ce n’est pas toujours le cas, les exercices en chaîne cinétique ouverte sont souvent moins demandant d’un point de vue du système nerveux. Ce sont des exercices qui n’impliquent généralement qu’une articulation et qui tendent à favoriser l’activation isolée d’un groupe musculaire. C’est pour cela qu’ils sont privilégiés comme exercices accessoires pour la performance ou la prévention des blessures, puisqu’ils permettent de « s’attaquer aux faiblesses » des chaînes musculaires et d’ainsi optimiser leur équilibre.

A l’inverse, les exercices en chaîne cinétique fermée seront en principe plus taxant pour le système nerveux (pensez à la différence de sensations entre une traction et un tirage vertical poitrine…). Ils auront donc un effet global plus important, en plus de s’apparenter davantage aux mouvements fonctionnels (pour fonctionner) de la vie quotidienne comme la marche, la course, les sauts (pensez au squat ou au soulevé de terre…).

Les deux types d’exercices sont intéressants à utiliser dans un programme d’entraînement. Ils peuvent permettre de travailler un même pattern de mouvement de façon différente. Prenons le pattern de poussée horizontale du haut du corps. En faisant des pompes, vous le travaillerez en chaîne fermée. En faisant du développé couché, le travail se fera en chaîne ouverte et vous ajouterez une dimension instable au mouvement qui n’est pas présente avec les pompes : il vous faudra stabiliser la barre au dessus de votre torse tout en la poussant.

Je ne vous apprends rien : un programme d’entraînement réussi est un programme qui fait la part belle à la variation. N’hésitez donc pas à y mettre des exercices en chaîne fermée et d’autres en chaîne ouverte, en privilégiant les exercices qui recrutent fortement le système nerveux en début de séance, et en plaçant les exercices moins demandant après.

Un petit challenge…

Avant de se quitter, je vous lance un petit défi pour que vous vous rendiez compte à quel point la configuration chaîne ouverte ou chaîne fermée influe sur les mouvements que nous faisons ou sommes capables de faire.

Placez-vous debout face à un mur à distance d’avant-bras, et venez toucher le mur avec le bout des doigts d’une de vos mains, paume vers le sol. Votre avant-bras est donc parallèle au sol, vos doigts tendus touchent le mur et votre coude est collé à votre flanc. Réalisez des cercles avec votre poignet, et uniquement votre poignet : ni le coude ni le bout de vos doigts ne bougent car ils sont fixés à votre flanc et au mur.

Une fois que vous êtes à l’aise avec ce mouvement, faites un pas en arrière et décollez le bout des doigts du mur, mais en gardant le coude collé à votre flanc. Tentez de faire la même chose que précédemment : des cercles avec le poignet en gardant le bout des doigts fixes comme s’ils touchaient encore le mur. Essayez de ne bouger que le poignet, et uniquement le poignet…

Voici une vidéo de mon prof Joseph Bartz (en anglais) qui illustre les instructions précédentes. L’exercice en question commence à 1’40. Bonne chance 😉

Sources

Ellenbecker, T. and Davies, G., 2001. Closed Kinetic Chain Exercise: A Comprehensive Guide to Multiple Joint Exercises, Champaign, Human Kinetics

Rivera, JE. 2010. « Open versus closed kinetic chain rehabilitation of the lower extremity : a functional and biomechanical analysis », Journal of Sport Rehabilitation, April 21:3(2)

Steindler A., 1973. Kinesiology of  the Human Body Under Normal and Pathological Conditions, Springfield, IL. Charles C. Thomas

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