Berlin, c’est la capitale où tout est possible. Où l’on peut danser nu sur de la techno pendant 3 jours d’affilée sans s’arrêter ; où les Kebabs sont des stars si bien qu’on fait 2h de queue pour pouvoir les goûter ; où l’on peut regretter d’être venu au monde si on a le malheur de se faire prendre en train de traverser hors du passage piéton…
Disposant de peu de moyens en comparaison des autres grandes villes allemandes, Berlin a su créer des lieux hauts en couleur où règnent des atmosphères positives, créatives, d’échange et de partage. Berlin ist arm, aber sexy – « Berlin est pauvre, mais sexy » – disait l’ancien maire de la ville.
Parmi ces lieux incroyables, il y a la Chirohouse, située non loin de la Ostbahnhof au centre-est de la ville. Innovative Therapy est le slogan de ce cabinet de chiropraxie. Il en dit long sur ce qu’il s’y passe à l’intérieur. Les thérapeutes qui peuplent la Chirohouse ont compris que seule une approche globale – à 360° – du patient permettait de le prendre en charge le plus efficacement possible.
Rencontre avec l’architecte de cette incroyable Maison de la Chiro : Joan Montserrat, chiropracteur en chef.
Mais d’abord, c’est quoi la chiropraxie ?
La chiropraxie a été fondée à la fin du 19e siècle par Daniel David Palmer. Sa fondation est contemporaine de celle de l’ostéopathie par Andrew Still, mais on ignore si des liens entre les deux hommes ont existé.
Les deux approches sont apparentées en ce qu’elles s’intéressent à la globalité du corps et qu’elles utilisent les manipulations pour soigner le patient. En grec, « chiro » veut dire main et « praxie » veut dire action.
L’Association Française de Chiropraxie définit cette dernière comme une « médecine manuelle de référence pour les soins du dos et des articulations, [qui] a pour objet la détection, le traitement et la prévention des dysfonctionnements du squelette et de ses conséquences, notamment au niveau de la colonne vertébrale et des membres. » Il s’agit donc d’une thérapie manuelle où le thérapeute, par ses manipulations, réaligne le squelette – le bassin et le rachis en premier lieu.
Quelle est la différence avec l’ostéopathie et la kinésithérapie ? Joan nous explique : « Les ostéos s’occupent des mouvements des liquides, des fascias, des viscères, des mouvements du liquide crânien. Nous, les chiros, on est davantage focus sur la colonne vertébrale, et tout ce qui est nerveux. Les kinés, eux, s’occupent des muscles et de la rééducation.
Il faut comprendre que quand tu te bloques le bas du dos par exemple, tu vas te bloquer une vertèbre, ce qui va créer des contractures musculaires, et en même temps créer une stase [arrêt de la circulation] de liquide avec inflammation.
Les trois thérapeutes peuvent très bien travailler sur ce problème : chacun va faire sa partie. C’est juste les trois pièces d’un même puzzle. Et c’est aussi pour ça que les kinés apprennent les manipulations vertébrales, que les chiropracteurs apprennent les manipulations des viscères, etc. Mais c’est juste l’approche qui est différente. C’est très complémentaire ce qu’on fait, et je pense qu’on bénéficierait tous à échanger davantage entre nous. »
Pour devenir chiropracteur, il faut faire 5 ans d’études. Joan a fait les siennes à Paris. Il a ensuite décroché un master en neurosciences avant de partir travailler au Vietnam, puis à Hanovre, et enfin s’installer à Berlin et fonder la Chirohouse.
Le concept de la Chirohouse : se faire soigner et s’entraîner en toute convivialité
En fondant la Chirohouse, Joan a souhaité créer un lieu où le patient soit accompagné dans sa globalité. Qu’est-ce que cela veut dire ?
Le patient qui se rend chez Joan et ses collègues souffre généralement d’une blessure ou d’autres maux, et vient pour qu’on l’aide à aller mieux. La chiropraxie est la base du traitement, mais Joan souhaite aller plus loin. Voici comment se passe une prise en charge :
« Quand je reçois un patient pour un problème, la première des choses c’est que j’écoute ce qu’il a à me dire. Je vais essayer de ne pas trop l’interrompre ni diriger ce qu’il me dit, de façon à ce qu’il « déballe » tout. Et généralement, avec ce que le patient dit, on a déjà une idée de ce qui se passe dans le corps. A partir de ce que la personne m’a dit, je vais essayer de constituer une théorie plausible de ses symptômes. Et je lui explique comment je vois les choses, comment je perçois ce qu’il se passe. Ca donne déjà au patient une première idée.
Je lui dis toujours à la fin : les trois-quarts du temps ma théorie ne sera pas applicable parce que le corps est unique. Donc il faudra sûrement l’adapter, mais au moins je donne les lignes directrices de mon traitement.
Ensuite je fais des tests orthopédiques et neurologiques pour voir s’il n’y a rien de dangereux, avant de passer à la partie traitement. Et ça pour moi c’est quelque chose de fondamental : il faut que les patients soient traités dès le premier rendez-vous. Il y a beaucoup de gens qui viennent avec des cas compliqués, et c’est important qu’ils sentent un changement dès la première séance.
Et à la fin de la séance, je propose un plan de bataille : voilà, on est là, on va aller ici, ça va prendre tant de temps, il y a cette partie là qui va être chiropratique – et ça je connais très bien. Mais comme je connais aussi très bien ce que font mes collègues, je vais leur proposer de s’occuper de l’autre partie qui est entraînement, ou massage, ou suivi psychologique, etc. Ce qui m’intéresse par dessus tout, c’est de pouvoir offrir un accompagnement global. »
Joan travaille étroitement avec un coach sportif, qui a son petit studio de coaching dans la Chirohouse. C’est généralement lui qui prend le relais une fois le patient traité en chiropraxie. Mais le coach a aussi des clients qui ne sortent pas de blessure et qui ne viennent que pour s’entraîner avec lui.
A la Chirohouse, on connaît l’importance du strength training – ou développement de la force en français – pour la santé :
« En plus du développement de la masse musculaire, c’est prouvé scientifiquement que le renforcement est profitable à tous les niveaux : au niveau du cardio, au niveau du vieillissement des os. On a des effets clairs et mesurés qui résultent de l’entraînement de force. La question, c’est toujours de savoir qui le fait, comment on le fait, et à quelle fréquence. Mais c’est super important, et je pense qu’il y a beaucoup de gens qui devraient au moins le tester. »
En plus du studio de coaching, la Chirohouse dispose d’une magnifique salle pour accueillir des cours collectifs hebdomadaires et des workshops. Sports de combat, Body Activation, Pilates, yoga… un large choix orienté vers la santé et la performance.
Et quand ils ne s’entraînent pas ou ne se font pas soigner, les patients et adhérents de la Chirohouse profitent des espaces de convivialité… et en été de la somptueuse terrasse avec vue sur la Spree… Tout est fait pour qu’ils soient accueillis dans une atmosphère chaleureuse et agréable.
La relation thérapeutique et les émotions
La relation thérapeutique entre un soignant et un patient est avant tout une relation entre deux êtres humains. Et qui dit humain dit émotions.
Quand Joan est face à la personne qu’il doit soigner, il n’est pas seulement face à un corps qu’il doit remettre en place ou en ordre. Il doit prendre en compte les états émotionnel et psychique de cette personne, qui peuvent indiscutablement jouer un rôle dans les maux qu’elle subit :
« S’il y a un trauma psychique et qu’on ne le détecte pas, on va passer complètement à côté de la source du problème. Parce qu’un problème psychique, ça créé des tensions, ça créé des blocages…
Si je n’ai pas envie d’aller travailler et que je me bloque le dos, ce n’est pas pour rien. C’est parce qu’ inconsciemment, mon corps n’a pas envie d’y aller. Et si en tant que thérapeute on ne le voit pas, on va traiter cela comme un blocage de dos ou une sciatique, alors qu’en fait c’est la personne qui ne veut pas retourner au travail. »
Quant à la relation « corps-esprit » – concept hérité de nos origines judéo-chrétiennes mais encore bien présent dans nos façons de penser – Joan a une façon un peu différente de la considérer :
« Beaucoup de gens pensent que la tête peut avoir une influence sur le corps, mais moi je pense que l’inverse est aussi possible, c’est-à-dire que le corps peut avoir une influence sur la tête. On le voit clairement avec ce qu’on mange par exemple : on peut tomber en dépression à cause des saloperies qu’on ingurgite constamment.
Le fait de bouger va nous permettre d’être plus dynamique… et aussi de changer notre façon d’aborder les choses. Il y a eu beaucoup de focus sur la psyché qui agit sur le corps. Moi, mon truc, c’est le contraire : essayer de faire en sorte que le corps fonctionne si bien que ça se répercute sur la psyché. »
Aux origines de la blessure
Joan s’occupe de beaucoup de sportifs, et notamment d’acrobates, de circassiens et de movers – pour celles et ceux qui connaissent. Il travaille aussi avec les équipes nationales allemandes de jiu-jitsu et d’athlétisme.
Niveau blessures liées au sport, il en connaît donc un rayon. Mais sa culture chiropratique l’amène à voir plus loin que la simple lésion, et c’est sans doute cela qui fait toute la force de sa pratique… et qui lui permet d’obtenir de si bons résultats :
« Je pense que la blessure, c’est la porte d’entrée. En général elle ne m’intéresse pas tellement. Elle m’intéresse seulement parce qu’elle me permet de savoir où est le dernier point qui a lâché.
A partir d’elle, je vais essayer de comprendre le mécanisme qui a conduit jusqu’à elle. Les patients trouvent toujours ça rigolo, parce qu’à chaque fois que je suis face à un cas compliqué je dis « ah, c’est super ! ». Parce qu’en fait pour moi c’est toujours le début du puzzle, c’est le premier indice de l’énigme.
Je me suis spécialisé dans la biomécanique, j’adore l’anatomie, ça a toujours été mon dada. Et les connaissances en biomécanique sont très utiles pour comprendre les causes de la blessure. Parce que tu comprends qu’un muscle tendu à tel endroit peut mener à une conséquence sur le bassin, le bassin en se tordant créé une tension sur ces muscles-là, etc.
En tant que chiros, on est vraiment très fort pour trouver cette origine de la blessure, qu’elle soit dans la posture, dans les problèmes vertébraux, dans les nerfs, dans l’ensemble.
Quand il s’agit d’une blessure liée à la pratique sportive, on va la chercher dans les techniques telles qu’elles sont exécutées par le patient à l’entraînement. »
La « flemme du siècle » responsable de nos maux de dos
Comme ce n’est pas tous les jours qu’on a la chance d’avoir un spécialiste de la colonne vertébrale sous la main, je ne pouvais pas omettre de demander à Joan d’où vient notre mal de dos chronique, si fréquent chez les Occidentaux.
On dit même de lui que c’est le « mal du siècle ». Selon Joan, si nos douleurs de dos sont si fréquentes, c’est parce qu’on a la « flemme du siècle » et qu’on passe – beaucoup – trop de temps assis :
« Le mal du dos, qu’est-ce que c’est ? Notre corps est fait pour tenir debout et pour marcher. Si on s’assoie, il y a un problème biomécanique : le bas du dos n’a jamais était créé pour être porteur de poids. Ce sont les pieds qui sont porteurs de poids. A l’époque, quand on était à 4 pattes c’étaient les mains aussi. Mais ce sont principalement les pieds.
Tout est fait pour absorber les chocs entre le pied et le bas du dos, et le bas du dos n’a jamais été fait pour être assis sur une chaise. D’ailleurs on voit que maintenant on commence à s’adapter : on a des dos qui sont plus raides.
Mais le problème vient de là : on passe trop de temps assis. C’est pour ça que je parle de la flemme.
Si chaque personne qui s’asseyait toute la journée allait au moins s’entraîner en sortant le soir, pour faire bouger ce bas du dos et renforcer les ceintures musculaires, et bien déjà on aurait beaucoup, beaucoup moins de problèmes. Et de tous les problèmes qu’on voit aujourd’hui dans les cabinets de kinés, d’ostéos, de chiros, il y aurait les trois quarts qui seraient résolus.
Le manque de mouvement est à l’origine de beaucoup de nos maux. Si on rendait une heure de mouvement par jour obligatoire dans les bureaux où les gens travaillent, je pense que cela règlerait énormément de problèmes qu’on a aujourd’hui au niveau musculo-squelettique. »
Et la suite ?
L’avenir de la Chirohouse est radieux. Les patients sont toujours plus nombreux à vouloir être soignés par Joan et ses collègues. Et l’originalité des cours et des workshops proposés amènent toujours plus de curieux et de passionnés.
Quant aux compétences de Joan, au vu de la passion qu’il éprouve pour son métier et pour le corps humain, il ne fait aucun doute qu’elles continueront à devenir de plus en plus pointues.
Outre la biomécanique, il s’intéresse particulièrement aux fascias, dont on sait aujourd’hui qu’ils jouent un rôle important dans la sensation de douleur. L’acupuncture et le Dry needling l’intéressent également, mais Joan préfère se consacrer exclusivement au soin avec ses mains.
A long terme, son projet est de se former à l’hypnose pour explorer davantage ce côté émotionnel dont nous parlions plus haut, et pour avoir une corde de plus à son arc pour aider ses patients.
Si vous êtes de passage à Berlin, ne manquez pas d’aller jeter un œil à la Chirohouse, elle vaut vraiment le détour. Merci infiniment pour la visite, pour ta gentillesse et ton entrain Joan, tu es pour le moins inspirant !
Le site internet de la Chirohouse
Le profil instagram de la Chirohouse
PS : Pour les lectrices et lecteurs de mes stories Instagram : la bonne réponse était la D… En chiropraxie, on se sert de ces protections pour ajuster la mâchoire avec le doigt, en passant dans la cavité buccale 😉